jeudi 28 novembre 2013

AU REVOIR


Revu Inside Llewyn Davis.

Parlé vite fait du film ce matin avec J. lors d'une réunion au boulot où il était question de tout autre chose que de cinéma. Nous échangions à voix basse et de façon concise de manière à ne pas perturber ce qui était dit par ailleurs par nos collègues.
Je lui dis : « J'aimerais avoir moi aussi des amis comme les Gorfein chez qui me réfugier de temps en temps. La moussaka, le taboulé, cette tendresse...»
Lui : « Oh non, quelle fatigue ! D'ailleurs quand il insulte la vieille barde sur la scène du Gaslight... »
Moi : « Oui ?»
Lui : « J'ai cru un moment qu'il s'agissait de Madame Gorfein parce qu'elle lui ressemble physiquement. Je me demande d'ailleurs dans quelle mesure cette ressemblance est voulue. »
Moi : « Ah oui génial ! Cette confusion est un geste critique à part entière. Beauté du contresens... »
Lui : « Calmos. »
Moi : « Mais si, le mari de la barde qui vient lui casser la gueule dans la ruelle serait le pendant vengeur du mari Gorfein qui, lui, est adorable. Deux anges, un bon et un mauvais... »
Lui : « Je ne crois pas que ça puisse te mener bien loin. »
Fin de la conversation.

Alors quoi dire ?
L'appartement des Gorfein est un port, une île sûre et confortable où Llewyn peut venir se réfugier. Contrepartie : dans ce confortable refuge, il est réifié par le regard aimable de ses hôtes qui le ramène constamment à ce qu'il est, à ce qu'il fut, jamais à ce qu'il pourrait devenir, tout simplement parce que les Gorfein aiment Llewyn pour ce qu'il est ou pour ce qu'il a été. C'est une sorte d'autre foyer familial avec une madame Gorfein qui cherche à prendre en charge la souffrance de Llewyn en chantant la partie de l'absent. En faisant cela, elle veut combler le trou béant que constitue pour Llewyn la perte de son partenaire mais Llewyn ne veut plus être deux, il veut garder cette perte « pure » en lui et chanter dorénavant à la lumière de cette absence. La nouvelle formule qu'il tente d'imposer à son art  c'est n-1, c'est-à-dire lui exposé à la souffrance de la perte (c'est à peu près le thème de toutes ses chansons). Il raillera toujours ceux qui ont choisi une formule de groupe, plus familiale, les Jim and Jean ou les quatre irlandais dans leurs pulls de laine et fera même le reproche à Jean, lors de leur conversation au café Reggio, de vouloir acheter une maison pour y fonder une famille.

Les sirènes du confort et de la gentillesse des Gorfein éloignent donc Llewyn de son « Village », du foyer artistique ou comme Ulysse, il doit affronter les prétendants et accéder à la « reconnaissance ».
Sortir de l'étouffoir Gorfein, c'est donc courir après l'Ulysse qu'il voudrait être. Si Llewyn n'arrive jamais à bon port, c'est qu'il ne part pas vraiment et agit plus comme Polyphème le cyclope, enfant colérique et maladroit, que comme un héros aventureux faisant preuve de mille ruses. Incapable de mettre la main sur sa proie (c'est-à-dire sur son désir), dont il ne connaît même pas le nom (son nom est personne), incapable d'embarquer, parce qu'incapable de saisir l'équivocité du monde qu'il l'entoure.
Personne n'est moins rusé que Llewyn, artiste sans compromis, lisant le monde avec l’œil unique de son talent. Il lui faudra ainsi presque toujours revivre deux fois les mêmes scènes pour finir par comprendre ce qu'elles impliquent (chez son producteur, chez sa sœur, chez les Gorfein, chez les marins, chez Jean, au Gaslight Café). Il ne dispose pour ainsi dire que d'une seule tête de lecture comme un saphir posé sur la matière noire de sa vie qui tourne en rond.
Quand par exemple Llewyn apprend par la bouche même du patron du Gaslight que Jean a couché avec lui en contrepartie d'un concert, il ne semble pas comprendre que si Jean s'est ainsi donnée c'est pour lui offrir, à lui Llewyn, une nouvelle occasion de se produire sur scène.
Toute son existence semble se dérouler dans son dos ; malgré cela, il continue d'avancer, faisant des boucles, dans l'espoir peut-être de se rejoindre lui-même. « Au revoir ».

Il y a dans le film un rôle crucial donné à l'emploi des noms : le nom ignoré du chat, l'usage des pseudonymes par ses comparses folkeux, tandis que lui s'accroche à son patronyme naturel, même si – l'ignoble jazzman lui fait remarquerce nom ne lui correspond pas vraiment. Sans cesse on le ramène au nom de son père et à ses origines galloises (« Davis ? Tu es le fils de Hugh Davis ? »), comme on le ramène à son ancien duo, ça l'exaspère mais jamais il n'ose ruser en s'inventant un nouveau nom, jamais il ne s'exonère de lui-même, jamais il ne joue le jeu du « born again », si bien qu'il n'y a pas de deuxième acte dans la vie de Llewyn Davis. Parce que son nom est ancré, lesté par le poids d'un vécu affectif qui irrigue son art, il est amené à croire que ce nom c'est lui, que c'est son destin comme on dit. Il sera Llewyn Davis ou rien. Mais rien justement (« personne » comme sait répondre Ulysse au cyclope) Llewyn n'arrive pas à l'être. Quoi qu'il fasse il reste prisonnier de lui-même, enfermé inside himself, dans cette absence pleine qu'il n'arrive pas à accoucher.

Quand Llewyn joue, il ne s'adresse pas vraiment aux autres. Comme si ses chansons étaient entonnées in petto mais distinctement. Le public du Gaslight a beau être là face à lui, il ne communie pas. La sublimation a bien lieu pourtant (les chansons sont superbes) mais c'est comme si elle n'accrochait pas, comme si le monde n'était pas concerné par cette beauté. C'est que l'arrogance de Llewyn place son auditoire dans une situation bizarre : il voudrait que les autres considèrent ce qu'il se dit à lui-même sans qu'ils puissent interférer, qu'ils se placent eux aussi à l'intérieur de Llewyn Davis mais sans le souiller. Pourtant lui-même le sait : il faut être deux pour danser le tango.

Quand, emprunt de fatigue à force de se consumer en tournant en rond dans la nuit, Llewyn condescend enfin à affronter les figures paternelles (son vrai père mais aussi Budd Grossman), c'est pour en finir : « Hang me or save me ! Tuez-moi ou sauvez-moi mais faîtes quelque chose vous les pères, prenez votre sabre, ouvrez-moi le ventre et dîtes-moi si les chansons que je porte sont mortes ou vivantes ! »
Les réponses seront sordides, excrémentielles ou monétaires. A l'endroit du père non plus, les chansons de Llewyn ne trouvent pas d'écho, elles n'atteignent pas l'oreille des dieux.
D'où la merde en retour. Le mot merde que Jean ne cesse de lui renvoyer au visage. Cette merde que Llewyn pense transformer en or dans ses chansons revient toujours à l'expéditeur dans sa forme première. Ainsi les paquets de disques invendus qui s'accumulent sous le guéridon du salon, cette merde qu'on n'arrive pas à faire circuler sous sa forme monétaire. C'est assis sur un chiotte qu'il lira : « What are you doing ? », non pas que sa musique soit à chier mais qu'elle ne s'adresse à personne en particulier, si ce n'est peut-être à lui-même et donc qu'elle n'est aucunement vouée à la circulation.

Dans son combat entre lui et le monde, Llewyn refuse de seconder le monde, et le monde - mais ça on a l'habitude - refuse de le seconder. Ni les dieux, ni les hommes ne sont ses interlocuteurs. Il vit dans cette sphère où seuls les anges sont susceptibles de l'entendre (qu'ils soient des anges bons comme les Gorfein ou des anges mauvais comme le mari de la barde – que le patron du Gaslight désigne d'ailleurs comme un ami de Llewyn). Prisonnier de ce système circulaire, la seule rétribution que Llewyn puisse attendre c'est soit une moussaka, soit un coup de poing dans la gueule dans une sombre ruelle.

Cette dernière scène évoque d'ailleurs la lutte de Jacob avec l'ange ( « Il resta seul, et quelqu'un lutta avec lui jusqu'à l'aurore. » Motif que Philip Roth a lui-même exploité à plusieurs reprises je crois.) Mais une lutte ici qui n'aboutirait sur aucune reconnaissance mutuelle des combattants, juste la possibilité d'un  au revoir qui n'est pas un adieu ou un faretheewell - deux mots très employés dans les chansons folk - mais l'ironique constatation par Llewyn Davis lui-même de l'impossibilité d'en finir avec Llewyn Davis. Ni vraiment mort, ni vraiment vivant, enfermé dans le malheur de n'être que lui-même. 

dimanche 10 novembre 2013

ÉVAPORATION DE TROIS NOTES CONDENSÉES

HAEWON ET LES HOMMES de Hong Sangsoo



1 - Condensation : transformation de la vapeur (sentiments) en liquide. Pluie. Larmes devant sa mère.
Volonté d'Haewon de clarifier ce brouillard généalogique et amoureux. Concrétiser les rêves. "J'ai envie de boire". Ce besoin de franchise, de dire les choses sans les cacher, de sortir de cet entre-deux fantomatique dans lequel elle est enfermée (entre-deux identitaire, géographique, professionnel puisqu'elle est étudiante, et enfin amoureux.) Besoin de solide, de massif mais nécessité aussi de rester fluide et vivante. Donner forme à l'invisible, comme le drapeau coloré permet de voir le vent.

2 - Évaporation : les hommes. 
Fumée, brouillard, ivresse confuse, oubli systématique, mensonge. Le jeune moustachu, l'ami de Scorsese mais surtout Seongjun, le cinéaste-professeur, tous fument - "J'ai envie de fumer"- et tous sont un peu fumeux. 
La magie allénienne de l'ami américain, cette façon qu'a Seongjun de vouloir cacher leur amour dans un nuage de mensonges, autant de brumes. 
Haewon dans son désir de clarté écrase les fumigènes semés par le discours masculin mais en même temps elle ne peut s'empêcher d'être à chaque fois attirée par cette rhétorique de l'évaporation, de succomber à nouveau à cette esthétique du flou et du grésillement (la symphonie de Beethoven). Pourquoi ? Parce qu'elle ne veut pas non plus être figée par le concret à jamais, comme une statue. Elle a besoin de cette magie, de ce brouillard romantique, de ce jeu de pistes pour continuer à avancer et donner forme autant qu'il est possible à ses états de somnolence. Elle s'y accroche. Elle a besoin du sommeil pour pouvoir se réveiller.
Le brouillard qui entoure le fort dans la merveilleuse dernière séquence du film.

3 - Entre le solide et la vapeur, le film pose la question de ce qu'on va devenir, de ce qu'y restera de nous au réveil : une poupée (Miss Corée), la maîtresse attitrée d'un époux dépressif , une actrice hollywoodienne, une statue (du métal à l'état de fusion qui s'est solidifié), une enfant perdue, un fantôme. 
Hésitation face au définitif : "Ça en dirait trop sur moi-même." Léger strabisme de Jeong Eun-chae qui séduit (charme etc. etc.) mais qui symbolise aussi cette difficulté à fixer les choses.  
La source (c'est-à-dire les parents, le désir initial) s'étant perdue, Haewon ne peut plus maintenant s'en remettre qu'au charme du semblant (toujours la symphonie de Beethoven, sa version altérée par le temps.) 
Dans cet interrègne, un vieil homme lui donne à boire un alcool (remontant) qui a la couleur du lait (descendant.) Oscillation.

samedi 9 novembre 2013

LA FACE B DU RÊVE AMÉRICAIN

ED HARRIS PRODUCTEUR DU GROUPE DE ROCK APOLLO 13


1- Revu Apollo 13 de Ron Howard dimanche dernier sur HD1 (chaîne appartenant au groupe TF1. Slogan : "Toutes les histoires sont sur HD1".)  Malgré le handicap imposé par les conditions de sa diffusion (version française entrelardée de pages de publicités interminables), je voulais le revoir au regard de Gravity puisque Cuarón nous y incite, prêtant la voix d'Ed Harris au directeur de vol basé à Houston. Clin d'œil d'autant plus frappant que quelques minutes à peine après le début du film cette voix si rassurante s'interrompt tout à coup pour ne plus jamais se faire entendre. C'est un peu la fin brutale d'une longue histoire. En 1983 dans L'Etoffe des Héros de Philip Kaufman, Ed Harris interprétait John Glenn, pilote d'essai devenu l'un des pionniers de la conquête spatiale américaine en intégrant le programme Mercury.
Il y eut ensuite en 1989 le magnifique Abyss de Cameron (1989), film de science fiction aquatique, où Ed Harris incarnait Virgil, le bien nommé, chef d'une mission sous-marine qui l'amènera à faire l'expérience des limites, tant corporelles que rationnelles. Deux rôles qui lui valurent sans doute d'être choisi en 1995 par Ron Howard pour interpréter le très expérimenté directeur de vol de la mission Apollo 13 au centre de contrôle des opérations spatiales de Houston. Puis enfin aujourd'hui Gravity où, privé de corps, il n'est plus qu'une voix impuissante, réduite au silence dès la première menace. Bien sûr, la belle et longue carrière qu'Ed Harris continue de mener n'est aucunement réductible à ce carré de films qui d'ailleurs ne forme pas vraiment un tout bien homogène et si l'on peut en faire ressortir une certaine continuité thématique (Abyss jouant quand même ici le rôle d'intrus), il faut tout de même noter une grande disparité dans la qualité des films en question (certains sont bons, d'autres vraiment pas.).
L'intérêt de cette juxtaposition ne réside donc pas dans la comparaison de ses termes mais plutôt dans le circuit chronologique qu'y emprunte la fonction Ed Harris. Cette trajectoire a l'envergure d'un destin et l'on peut presque, à travers l'évolution des rôles qu'il y tient, en extraire un cinquième film qu'on déduirait des quatre autres.  Une jeunesse aventureuse et insolente (L'Etoffe des Héros) ; un âge adulte où l'expérience des limites atteint une sorte d'accomplissement, une ouverture vers l'autre (Abyss) ; un âge mûr consacré à la supervision paternaliste, à la transmission - au sens littéral du terme - de son savoir-faire (Apollo 13) et enfin ce moment fatidique où, le corps diminué, la voix même finit par ne plus porter (Gravity).
On voit que ce cinquième film est assez classique somme toute. S'il était une chanson, ce serait un standard américain avec quelques moments de bravoures sous forme de solos.

2- Je dis cela parce qu'en revoyant Apollo 13, j'ai soudain compris quelle partition se jouait devant moi et pourquoi elle m'avait d'abord laissé insensible. Apollo 13 est un film très médiocre, pratiquement impossible à sauver (ha ! ha ! ha !) d'un point de vue critique. Pour ce faire, il n'y a qu'un seul moyen : l'insérer dans un champ plus vaste qui le dépasse et le restaure dans sa valeur élémentaire. C'est le propos même du film : transformer l'échec d'une mission en réussite collective. Rien de surprenant donc à ce que Ron Howard fasse entièrement reposer sa mise en scène sur le traditionnel savoir-faire hollywoodien, savoir-faire technique, savoir-faire scénaristique, savoir-faire des acteurs et se cantonne au rôle de faiseur, sans chercher à ajouter à l'ensemble une once de touche personnelle. C'est même assez bravement qu'il refuse le statut d'auteur, il sait qu'Hollywood comme la Nasa est une grosse machine assez lourde qui ne peut pas décrocher la lune à chaque fois. Combien d'essais, de lancements ratés, de missions avortées, d'heures de travail effectuées par des anonymes  pour que deux péquins chanceux finissent par poser le pied sur la lune et bénéficient d'une renommée planétaire (un peu comme ces grands fous du Nouvel Hollywood qui, après quelques fulgurances,  pensaient avoir le monde à leurs pieds) ?  Or que fait-on entre deux exploits ? Qui continue de faire tourner la machine ? Des gens comme Ron Howard, professionnels consciencieux qui ont pour valeur fondamentale le travail collectif. Apollo 13 est un éloge presque publicitaire de ce savoir-faire américain qui exalte la complémentarité des compétences, la Nasa, ou Hollywood étant les prototypes mêmes de ces institutions sachant rassembler des individualités hétéroclites et brillantes venues du monde entier (des génies allemands par exemple) autour d'un projet qui les dépasse et fonde la communauté.

Du rêve américain, on pourrait dire comme d'un disque vinyle qu'il a deux faces, la face UP (héroïsme, individualisme, réussite personnelle, self made men) et la face DOWN (professionnalisme, communauté, nation, sauvetage des stars déchues qui  retombent sur terre).  Ron Howard joue sur la face DOWN, c'est un musicien de studio. Dans Apollo 13, c'est le groupe qui se serre les coudes pour tendre un drap aux leaders qui ont loupé leur mise en orbite et manqué leur rêve. Toute personnalité trop marquée, tout égotisme exacerbé représentent dès lors un danger potentiel (Kevin Bacon seul élément a priori dissident du film finit par montrer patte blanche.) Ainsi, ce manque d'originalité que l'on a pu justement diagnostiquer à propos de l'oeuvre de Ron Howard est en réalité le moteur même de son cinéma.  L'exception pour lui, si fascinante soit-elle, est toujours dangereuse, elle peut conduire à la folie (Un homme d'exception) et le but de la communauté sera justement de se mettre en position de pouvoir porter secours, tels des pompiers, aux échoués de la face UP (Backdraft). C'est là une technique bien connue des historiographes qui redéfinissent l'objectif de la mission en fonction de sa réussite ou de son échec. Si l'on arrive à marcher dessus, la Lune est la Terre promise, si l'on n'y arrive pas c'est alors l'Amérique qui redevient la Terre promise et le retour lui-même, même s'il procède d'un échec, doit devenir un exploit.




3-  Le fameux geste du pouce de Jim Lovell (Tom Hanks) éclipsant la Lune depuis la Terre dit bien comment le désir et son accomplissement sont soumis à l'alternance, aux cycles, obéissent en quelque sorte aux horaires des marées. Comment fait-on quand on arrive après, quand ce n'est plus l'heure ?
Continuons pour rire et pour conclure de filer la métaphore musicale : l'équipage d'Apollo 13 est en réalité un groupe de rock qui part à la conquête du hit-parade. Ils veulent atteindre le sommet des charts. Une équipe de professionnels est là pour enregistrer leur nouveau single. Tout est prêt. Gene Kranz (Ed Harris), ancien musicien lui-même, est à la production, bien installé aux commandes de sa table de mixage tel George Martin. Au dernier moment, on doit remplacer un des membres du groupe pour des raisons de santé. Dans l'urgence, un musicien un peu branleur et a priori pas très sûr prend sa place. Cependant l'aventure passionne peu les foules et les médias, la promotion du disque à venir ne prend pas. On est en 1970, les grands groupes de rock des sixties ont déjà accompli leurs oeuvres et ce que s'apprêtent finalement à enregistrer les membres d'Apollo 13 n'est rien d'autre que la reprise d'une célèbre chanson créée par un groupe légendaire (Apollo 11). Ils viennent après et ne seront en tout état de cause qu'un groupe mineur. La première face n'est pas encore enregistrée que déjà, catastrophe, la possibilité d'un succès s'évanouit. On fait alors le tour de son rêve perdu. On l'observe de loin. Sur la face visible de la Lune, on aperçoit les Beatles avec ses deux leaders emblématiques, Neil Armstrong et Buzz Aldrin, en train de donner un concert pour les siècles des siècles. On aura quant à nous le droit de contempler la face cachée (belle séquence du film d'Howard où le vaisseau emprunte l'orbite lunaire pareil au saphir d'une platine qui atteint la fin de la face A et glisse vers la transitoire d'extinction, cette zone sombre et lisse où seul un craquement régulier se fait entendre.) On retourne alors le disque et on enregistre une bonne face B.  Retour sur Terre, fin de l'histoire, pas de chef d'oeuvre à l'horizon mais la satisfaction d'avoir apporté sa pierre à l'édifice. Quelques nostalgiques se souviendront de nous.